A l’heure où les syndicats de police veulent « éradiquer les nuisibles », où des milices ouvertement nazies défilent dans les rues de Chambéry, Lyon, Angers, Paris aux cris de « Bleu blanc rouge, la France aux Français », où le « Grand remplacement » est devenu quasiment une religion médiatique sur certaines chaines de télé, où un milliardaire catholique intégriste place des bouffons décérébrés et des militants d’extrême droite à la tête de médias pour instiller ses mots et ses valeurs, où les barons de LR ou du RN rivalisent de formules pour masquer leur rejet du métissage et leur peur d’une « régression vers les origines ethniques », à l’heure où une cagnotte valide le permis de tuer, où la macronie ne sait plus à quels saints se vouer, le livre d’Olivier Mannoni (« Traduire Hitler », Éditions Héloïse d’Ormesson) prend une dimension inquiétante et prophétique. Mannoni a traduit tous les barons du nazisme avant de s’attaquer à « Mein Kampf » et ses 1200 feuillets devenu la matrice originelle à toutes les exterminations. A force de pénétrer la chair des mots et leurs distorsions, il est comme un mécanicien hors pair capable de décrypter et de révéler tout ce qui sent la manipulation et le sens caché des mots de l’extrême droite. « Les nazis ont été très inventifs en termes de communication. La « petite phrase », sous sa forme moderne, leur doit beaucoup. L’idée que la véhémence oratoire coupée de tout contexte logique, l’appel aux émotions les plus primitives, allait à la fois leur promettre des scandales et des vagues d’indignation susceptibles d’accroître leur notoriété, sinon leur popularité, fut mise en œuvre par les nazis de manière systématique. Les mots n’étaient plus au service de la réflexion rationnelle, ils étaient désormais des armes. Le tout était évidemment intentionnel et calculé, bien avant la prise du pouvoir (d’Hitler) » écrit-il page 63. Hitler rédige son « Mein Kampf » dans la cellule de sa prison en 1924, et il livre lui-même son dessein : « Peu importe qu’ils se moquent de nous ou qu’ils nous injurient, qu’ils nous accusent d’être des pitres ou des criminels ; l’essentiel est qu’ils parlent de nous, qu’ils n’arrêtent pas de s’occuper de nous et que nous apparaissions peu à peu aux yeux des ouvriers eux-mêmes, réellement, comme la seule puissance avec laquelle se déroule aujourd’hui encore une confrontation. Ce que nous sommes réellement, ce que nous voulons réellement, nous le montrerons bien un beau jour à la meute juive de la presse ». Pendant une heure et quarante minutes d’une conversation dense, où rien ou presque n’a été retiré au montage, Denis Robert interroge Olivier Mannoni sur son travail de traducteur et d’écrivain de la mécanique nazi. Nous les suivons dans les méandres de la folie collective ayant amené à l’avènement d’Hitler et de ses lieutenants, Goering, Himmler, Rosenberg. Une guerre des mots, une mise au ban permanente de l’étranger et du bobo, une gauche honnie et inconsciente du mal qui ronge le pays, Et toujours, nous revenons avec les deux hommes au présent, à l’actualité en nous frottant les yeux. Et si le cauchemar revenait ?
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Blast, le souffle de l’info