Chère Florence Bergeaud-Blackler,

Quelle semaine !

Le 10 mars, en réaction à un article de Libération relatant que les Presses universitaires de France (PUF) avaient pris la décision d’annuler la parution d’un livre collectif titré Face à l’obscurantisme woke, auquel vous avez contribué, vous avez sobrement affirmé, sur votre compte X (ex-Twitter), que « le journal Libération est un torchon, et le dire n'est pas excessif car toujours plus de censure le fait jouir », on reconnait bien là votre sens de la nuance et de la rigueur universitaires. Et en à peine plus de 48 heures, vous avez utilisé, dans vos posts concernant cette non-parution, le terme « censure » (et ses déclinaisons) à au moins huit reprises, félicitations on a bien compris l’idée, et dénoncé, dans un entretien accordé au site d’extrême droite Boulevard Voltaire, excellent choix, une « cabale [visant] à tuer dans l’œuf un mouvement universitaire nouveau qui ne veut pas contribuer aux excès du wokisme », marre des excès.

Du côté des PUF, qui avaient accueilli favorablement le projet de livre, il semble que l’on ait fini par comprendre qu’il n’était pas forcément très judicieux, à l’heure ou l’administration Trump s’en prend violemment aux universités et à la science en général au nom de la lutte contre le « wokisme », de publier un ouvrage entendant démontrer, à en croire sa quatrième de couverture, que « le wokisme […] s’impose par l’intimidation, récuse toute critique […] et, [par] la déconstruction systématique du savoir [qui] trahit l’esprit scientifique […], forge un monde de post-vérités où s’engouffre une jeune génération condamnée à la déraison », rien que ça. Il est vrai qu’au vu des graves attaques contre les libertés académiques qui ont actuellement cours aux États-Unis, dont le désormais vice-président J.D. Vance déclarait en 2021 que « les universités sont l’ennemi », ça a le mérite d’être clair, la thèse selon laquelle la menace qui pèserait sur la science serait aujourd’hui celle de « l’obscurantisme » venu de courants universitaires interrogeant les oppressions, les inégalités et les discriminations, est pour le moins cocasse, pour ne pas dire ridicule.

Les PUF semblent en outre avoir fait une désagréable découverte en apprenant que certains des co-auteurs de l’ouvrage, parmi lesquels vous-même, sont des chercheurs membres d’un autoproclamé « Observatoire d’éthique universitaire » destiné, selon son site internet « à préserver une université où la recherche de la vérité, le débat intellectuel libre et la transmission des savoirs s’exercent dans un cadre rigoureux et impartial », dit comme ça cela semble presque une bonne idée, mais qui reçoit des financements via le « projet Périclès » lancé par le milliardaire « libertarien » Pierre-Édouard Stérin dans le but affirmé de porter au pouvoir une alliance de la droite extrême et de l’extrême droite, entre autres en combattant « les maux principaux de notre pays (socialisme, wokisme, islamisme, immigration) » et en luttant « contre la fabrique des cerveaux de gauche », dit comme ça c’est tout de suite moins sympa.

Ce que vous appelez « censure » n’est donc en définitive rien d’autre qu’un choix éditorial de la part d’une maison d’édition, les PUF, qui, jusqu’à preuve du contraire, ont encore le droit de publier ce qu’elles veulent et donc de juger qu’un ouvrage qui leur est proposé ne réunit pas les conditions, on imagine, de rigueur, de scientificité et de crédibilité pour être imprimé, diffusé et promu avec leur « label », c’est peut-être vexant mais ce sont des choses qui arrivent. Et l’on ne doute pas que d’autres éditeurs moins regardants se sont rués sur l’occasion, l’un des coauteurs du livre parlant d'ailleurs déjà « [d’]une dizaine » : malgré la terrible « censure » dont vous êtes victime, l’ouvrage, sans doute sous une autre forme, sera donc bel et bien publié, bénéficiera d’une importante promotion médiatique et se trouvera, on en est sûr, en bonne place dans les boutiques Relay de Vincent Bolloré, on a hâte, au passage n’hésitez pas à vous rendre dans un pays où la censure se pratique réellement, ça vous permettra de vous instruire et ça nous fera des vacances.

Chère Florence Bergeaud-Blackler, cet épisode de censure imaginaire n’a pas été l’unique occasion pour vous de déployer, ces derniers jours, toutes les qualités d’analyse propres à l’universitaire que vous êtes, férue, rappelons-le, de « vérité », de « débat intellectuel libre » et de « cadre rigoureux et impartial ». C’est ainsi que vous avez par exemple affirmé, toujours le 10 mars, quelle journée, que le journaliste de Mediapart Fabrice Arfi faisait partie de « ces menteurs, ignares, révisionnistes et hypocrites qui se fabriquent une vertu en pourfendant ceux qu'ils appellent sans compter l’extrême droite », c’est bien noté, ou que le 8 mars, Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, vous avez jugé utile de traiter la députée LFI Sarah Legrain de « petite frappe [n’ayant] rien de féministe » et de la qualifier de « dinde », voilà qui vous met effectivement en position de donner des leçons, avant de rendre un hommage appuyé au collectif d'extrême droite Némésis et de souhaiter du « courage » à la militante identitaire Alice Cordier, une bien belle personne qui compte parmi ses nombreux faits d’armes le fait d’avoir lancé une cagnotte pour que la journaliste Nassira El Moaddem quitte la France, voilà qui nécessite effectivement beaucoup de courage.

Les réseaux sociaux sont pour vous un lieu d’expression visiblement privilégié, puisque vous y intervenez quotidiennement, et pas qu’une fois par jour, pour un total de près de 14 000 tweets depuis la création de votre compte en 2010, ça commence à faire, avec des journées particulièrement productives comme le 1er mars dernier et pas moins de 56 posts entre 9h15 et 23h45, soit un toutes les 15 minutes, ça a l’air sympa vos samedis. Et le moins que l’on puisse dire est qu’une visite sur votre compte X confirme ce qu’un aussi grand nombre de posts laissait supposer, à savoir que vous aimez donner votre avis — très éclairé — sur absolument tout : pour le seul mois de mars, vous avez ainsi fourni vos lumières sur les relations franco-algériennes, les manifestations du 8 mars en France, la diplomatie chinoise, une exposition organisée dans la basilique de Saint-Denis, le président par intérim de la Syrie, une rencontre organisée à l’ambassade d’Iran à Paris, le port du voile dans le sport, les relations États-Unis-Russie, le rappeur Médine, le Hamas, une table ronde organisée par LFI à l’Assemblée nationale, « l’autocensure » au Royaume-Uni, les violences en cours en Syrie, la nature du régime en Malaisie, un Iftar organisé au château de Windsor, la tenue vestimentaire de Volodymyr Zelensky, sans oublier cette sentence particulièrement argumentée et, forcément, irrévocable, à propos d’une célèbre encyclopédie en ligne : « Wikipédia c’est n’importe quoi. »

La liste des sujets sur lesquels vous vous estimez légitime pour donner votre avis est, chacun l’avouera, éloquente, mais elle ne suffit probablement pas à donner à nos lecteurs et lectrices un aperçu de ce qu’est l’essence de votre « pensée », essentiellement animée par une traque sans relâche de ce qui constitue selon vous les symptômes de « l’islamisation » de la France et, au-delà, de l’Europe, puisque telle est la thèse de votre livre Le Frérisme et ses réseaux, publié en 2023, qui entend exposer le « plan » des Frères musulmans pour « accomplir la prophétie califale, c’est-à-dire l’instauration de la seule société humaine possible, la société islamique », si c’est vrai c’est très grave (1). Grâce à vous, on aura ainsi récemment appris que :

- « Le marché halal est un promoteur d'un djihad économique » ;

- « La lutte contre l’islamophobie est un jihad défensif » ;

- « Les wokistes sont le cheval de Troie des islamistes » ;

- « Le drapeau rouge n'est plus. Il est désormais remplacé par le drapeau vert-rouge de l'islamogauchisme, qui est aussi celui brandi de la Palestine. L'internationale c'est l'Oumma de l'islamisme, et ses alliés utiles : ceux qui vont périr ou se convertir. »

Et dans un autre style :

- « Cessons de financer la Ligue des Droits de l'Homme : 709 000 euros de fonds public en 2023 » ;

- « Dire que Musk est un nazi sur cette base [un salut nazi, geste il est vrai très ambigu] c’est vraiment rendre service aux vrais nazis. La diabolisation est un procès facile, imbécile et surtout dangereux » ;

- « LFI est une faction politique qui nous met tous en danger en contestant l’espèce humaine, la démocratie et la laïcité. Nous n’avons jamais toléré cela depuis l’occupation nazie. »

Voilà voilà.

Comme on peut le voir, vous vous laissez souvent emporter par vos obsessions, jusqu’à parfois verser dans des déclarations absurdes, voire abjectes, comme lorsque vous avez expliqué qu’un tag islamophobe sur une mosquée était une simple « dégradation de bâtiment » et qu’il n’exprimait pas la haine mais « la joie et la fierté » de ses auteurs, tout de même, ou lorsque vous vous en êtes prise au Conseil français du culte musulman alors qu’il dénonçait l’islamophobie suite à la découverte d’un tag « 2024, les Arabes dans le four crématoire », affirmant que « le CFCM mélange islamophobie, atteinte à la liberté d'expression, shoah et discrimination », mais où allez-vous chercher tout ça. Et l’on s’épargnera ici tout commentaire sur les méthodes que vous employez régulièrement pour délégitimer toute forme de critique, en assénant par exemple que « l'accusation d'islamophobie est une insulte et un appel au meurtre », rien que ça, ou en affirmant sans le début du commencement d’une preuve que les universitaires qui ne partagent pas vos « analyses » travaillent en réalité pour les Frères musulmans.

Chère Florence Bergeaud-Blackler, l’un des problèmes majeurs vous concernant, au-delà de la brutalité — fort peu scientifique — de nombre de vos propos, est le fait que vous mélangez allègrement, d’une part, vos commentaires, vos jugements et vos outrances et, d’autre part, des « travaux de recherche » au moyen desquels vous tentez de vous draper dans une posture universitaire qui suffirait à elle seule à légitimer tout ce que vous racontez. Vous avez évidemment le droit d’avoir un avis sur tous les sujets et même, pourquoi pas, de défendre les idées les plus répugnantes, mais la moindre des choses serait de reconnaître non seulement que vos titres universitaires ne vous confèrent nullement une expertise vous permettant de parler de tout et — surtout — de n’importe quoi, mais aussi que vos prises de position ne reposent à peu près jamais sur un quelconque fondement scientifique, la plupart de vos « vérités » autoproclamées n’étant donc rien d’autre que des opinions… parmi d’autres. Un peu de modestie ne vous ferait donc pas de mal, a fortiori lorsque l’on observe d’un peu plus près dans quoi s’inscrit votre légitimité académique.

En nous perdant dans vos milliers de posts, nous en avons ainsi appris un peu plus sur « l'Observatoire d’éthique universitaire » auquel vous appartenez, lequel a, rappelons-le, séduit un milliardaire d’extrême droite désireux de financer, selon ses propres termes, des structures permettant de lutter contre « les délires racialistes, antisémites, wokistes ou intersectionnels importés des universités américaines », sans barrières douanières bien sûr. La rubrique « wokisme » du site de l’« observatoire » donne ainsi un aperçu du « cadre rigoureux et impartial » auquel ses membres s’astreignent, avec par exemple la reprise de faux tracts issus du site prétendument humoristique « woke-machine » qui tente péniblement de tourner en dérision les revendications et les combats féministes, antiracistes et LGBTI, ou la récente publication du « Who’s Woke 2025 », article supposément humoristique qui dresse des « portraits » de ceux que vous considérez comme des promoteurs du « wokisme », entre autres, attention c’est très subtil et très drôle :

- Rima Hassan : « Attise-fadas. A été membre du Conseil d’administration de "Médecins sans frontières" en 2021 et 2022. Regrette de ne pas y avoir rencontré le Docteur Mengele. »

- Dominique de Villepin : « Après s’être occupé de la publication du Guide Relais & Châteaux, pourra s’attaquer à la réédition des œuvres de Drumont ? »

- Claire Hédon (Défenseure des droits) : « Ancienne journaliste à Radio France, il semble aussi qu’elle en ait conservé l’objectivité pravdavienne qui caractérise le Service Public de Désinformation. »

- La Cour pénale internationale : « Si la CPI (Clique Partiale Internationale) avait existé en juin 1940, elle aurait sans doute émis des mandats d’arrêt à l’encontre de Winston Churchill et du Général de Gaulle pour crimes de guerre et, afin de faire bonne mesure, à l’encontre du Caporal Fritz Müller, de la 2ème Panzer Division, pour excès de vitesse lors du franchissement de la frontière franco-belge. »

Un observatoire soucieux du « débat intellectuel libre », comme on peut le voir, qui n’hésite pas non plus, parce qu’il s’agit tout de même d’avoir l’air un peu sérieux, à publier des extraits et « bonnes feuilles » d’ouvrages parus ou à paraître, parmi lesquels, ces derniers mois :

- Postures médiatiques d’André Perrin qui critique, dans l’extrait mis en ligne, la notion de féminicide en posant la pertinente question « Lorsque l’homme tue sa compagne parce qu’elle veut le quitter, la tue-t-il parce qu’elle est une femme ou parce qu’elle veut le quitter ? », c’est profond ;

- En finir avec le wokisme de Sylvie Perez, qui se réjouit notamment de la « contre-offensive anti-woke » à l’œuvre aux États-Unis, à chacun ses petites joies, livre également salué sur Sud-Radio par le « journaliste » complotiste André Bercoff, une référence ;

- Qui a peur de Roman Polanski ?, de Sabine Prokhoris, qui euphémise le viol d’une enfant de 13 ans en le présentant comme « une relation sexuelle que Polanski eut avec une jeune fille de presque quatorze ans », un viol qualifié un peu plus loin « [d’]affaire regrettable », la lutte « anti-woke » mène décidément à tout.

Le vernis universitaire dont vous aimez vous parer a donc une forte tendance, dès que l’on gratte un peu, à se craqueler, et ce n’est pas la seconde structure « scientifique » de laquelle vous vous revendiquez et que vous présidez, félicitations, le « Centre Européen de Recherche et d'Information sur le Frérisme » (CERIF), qui inverse cette tendance. En se rendant sur le site dudit centre, qui affirme avoir pour but de « promouvoir des recherches et d'informer sur l'idéologie diffusée par les différents mouvements issus ou liés à la confrérie des Frères musulmans dans les démocraties sécularisées », tout un programme, on découvre ainsi que le « Conseil stratégique et d’orientation » du CERIF se compose entre autres de l’avocat Thibault de Montbrial, bruyant partisan de « l’union des droites » de Darmanin à Zemmour, du Général Bruno Clermont, intervenant régulier sur CNEWS, ou encore de l’avocat Gilles Bazaille, dont la fiche professionnelle nous apprend « [qu’]il a notamment développé une expertise particulière dans les transactions relatives aux domaines de l’industrie, notamment la plasturgie, la santé, l’édition de logiciels, les semi-conducteurs, l’hygiène, l’emballage, mais aussi la distribution, le transport aérien et terrestre », voilà qui garantit de grandes compétences pour juger de travaux de recherche universitaire sur les Frères musulmans.

C’est sans doute en raison de vos participations actives au sein de cet « observatoire » à l’incomparable scientificité et de ce « centre de recherche » aux très pertinents conseillers que vous vous sentez légitime pour traiter avec mépris ceux qui osent vous critiquer, leur jetant au visage des amabilités du type : « Vous êtes un ignorant. Lisez Machiavel et prenez des cours d'anthropologie. » Une légitimité que nous n’oserons certainement pas questionner, a fortiori parce que nous savons que vous avez en outre publié et dirigé des livres que vous présentez sur votre site comme des « publications académiques », entre autres :

- Le Frérisme et ses réseaux, votre plus récent ouvrage, dont la méthode et les prétentions scientifiques ont été vertement critiquées, de même que les soubassements idéologiques, et dans lequel vous multipliez les grossières erreurs factuelles, en affirmant par exemple, comme l’a souligné la chercheuse Margot Dazey, « que le salafisme est influencé par le Qatar tandis que les Frères musulmans sont soutenus par l’Arabie Saoudite (p. 30) [c’est en réalité l’inverse], que le mouvement des Frères musulmans est "reconnu et autorisé" en Égypte alors qu’il y est interdit et criminalisé depuis 2013 (p. 69) ou que Faysal Mawlawi a participé à la fondation de l’Association des étudiants islamiques de France en 1963 alors qu’il n’a séjourné en France qu’à partir des années 1980 (p. 91) », ça la fout un peu mal quand même ;

- Comprendre le halal, co-écrit avec Bruno Bernard, un « expert » que vous avez choisi comme co-rédacteur et qui s’est avéré par la suite être un escroc ayant menti sur ses diplômes et ayant monté une arnaque en rémunérant un faux imam afin qu’il certifie des produits comme « halal », ce qui lui a valu d’être condamné à quinze mois de prison et de voir son nom discrètement effacé de votre site, c’est dommage ;

- Cachez cet Islamisme, Voile et laïcité à l’épreuve de la cancel culture, ouvrage collectif que vous avez co-dirigé avec Pascal Hubert et dans lequel on retrouve, parmi d’autres, une contribution de Céline Pina, connue pour son sens de la nuance qui l’a conduite, par exemple, à expliquer que les enfants de Gaza tués dans des bombardements, contrairement aux enfants israéliens tués le 7 octobre 2023, « ne mourront pas en ayant l’impression que l’humanité a trahi tout ce qu’ils étaient en droit d’attendre », merci pour eux.

Sera-t-on surpris, dès lors, d’apprendre qu’une universitaire aussi rigoureuse, nuancée et soucieuse du « débat intellectuel libre » a estimé bon d’apporter, en juin dernier à Bruxelles, une caution académique à la « National Conservatism Conference 2024 », grande sauterie des extrêmes droites européennes à l’occasion de laquelle vous avez partagé l’affiche avec, excusez du peu, Éric Zemmour, Viktor Orbán, Nigel Farage, Patricia Chagnon (députée européenne RN), Hermann Tertsch (député européen des néofacistes espagnols de Vox) ou encore Tom Vandendriessche (député européen de l’extrême droite flamande du Vlaams Belang), on imagine avec délice la qualité du savoir et de la connaissance produites à cette occasion. Une expérience qui ne vous a visiblement pas vaccinée contre la tentation d’offrir vos précieux éclairages à l’extrême droite, en témoigne votre participation en invitée vedette à une conférence du doux nom de « Europe-Maghreb : assez de naïveté, place à l’ordre ! », organisée le 5 février dernier par la députée européenne Reconquête Sarah Knafo, où l’on suppose que là encore la part belle fut faite à la rigueur scientifique.

Vous adorez en réalité frayer avec l’extrême droite, qu’il s’agisse de répondre à des interviews pour Boulevard Voltaire, Valeurs actuelles ou Frontières/Livre noir, ce dernier média n’étant, selon vous, « pas uniquement d’extrême droite », tout va bien alors, ou de relayer des publications de « l’influenceur » Papacito, des activistes transphobes Dora Moutot et Marguerite Stern ou de la complotiste Caroline-Christa Bernard, vous voilà bien entourée. Nous n’avons en outre pas manque de relever l’invitation faite, en juin 2022, au soutien d’Éric Zemmour Mohamed Louizi, dans le cadre du « Café laïque » (sic) de Bruxelles au sein duquel vous êtes investie, une invitation dont vous vous êtes publiquement réjouie, avant et après son intervention. Et que dire de votre bruyant soutien au militant identitaire britannique Tommy Robinson, au sujet duquel vous avez multiplié les posts en janvier dernier, jusqu’à le présenter comme un lanceur d’alerte, relayer l’une de ses vidéos ouvertement raciste et remplie de fake news ou affirmer à son sujet, attention ça pique quand on connait le pedigree du personnage : « Dans un pays normal, cet homme qui bien sûr n’est pas un enfant de chœur (comment aurait-il pu l’être), serait un héros. » À chacun ses héros.

Malgré ce CV bien chargé, ces prises de position sans équivoque et ces accointances peu reluisantes, vous faites semblant de ne pas comprendre pourquoi vous êtes déconsidérée dans le milieu universitaire et pourquoi la plupart des grands médias ne se situant pas clairement à la droite extrême ou à l’extrême droite ont décidé de se passer de vos services. Jusqu’à interpeller directement Radio France (« Expliquez-nous pourquoi je n’ai jamais été reçue sur France Inter pour parler de mon livre ») ou à adresser un « message aux universités » dans lequel vous affirmez « [qu’]aucune université française ne [vous] invite », lancez un « appel à invitation pour présenter [vos] recherches dans les universités françaises et les centres de recherche publics » et demandez « la levée de cette censure de fait dans le milieu académique », invitez-moi sinon c’est de la censure, heureusement que le ridicule ne tue pas. Il faudrait probablement, chère Florence Bergeaud-Blackler, que vous exploriez une hypothèse autre que celle de la « censure » ou du complot orchestré par les Frères musulmans : peut-être que vos « travaux » ne présentent aucun intérêt journalistique ou académique, sinon celui de montrer ce qu’il ne faut surtout pas faire lorsque l’on prétend faire de la science, et qu’au total votre œuvre, en étant saluée par les réactionnaires les plus brutaux, les ennemis du savoir et les adeptes de la théorie raciste-complotiste du « Grand remplacement », reçoit tout simplement l’accueil qu’elle mérite.

Cordialement,

Jules Blaster

(1) Une « thèse » que l’on trouve brillamment (?) résumée au cours d’une intervention lors d’un colloque que vous avez organisé, on n’est jamais mieux servi que par soi-même : « Les Frères [musulmans] sont situés un peu sur tous les continents, ils se sont adaptés au contexte, ce sont des salafistes du texte et du contexte. Et donc ils se sont acclimatés aux sociétés européennes, non pas pour s’y acclimater définitivement mais pour acclimater les sociétés européennes à leur modèle islamiste que j’appelle charia-compatible. » Limpide.

Chère Florence Bergeaud-Blackler - Boxing Day #24

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Sophie Bessis, « La civilisation judéo-chrétienne : anatomie d’une imposture » - Les bonnes feuilles

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