Nous assistons depuis un mois à l'installation dans le discours étatique et dans le débat public d'une série de doubles standards où nous découvrons ou redécouvrons que les règles qui s'appliquent à certaines armées, à certains pays ou à certaines populations, pour en citer ces exemples-là, ne s'appliquent pas de la même façon à d'autres. Nous voyons se développer une rhétorique qui distingue d'une part les crimes de guerre considérés comme absolument inacceptables, comme ceux qui sont commis par la Russie par exemple, et d'autre part les crimes de guerre qui nous sont implicitement présentés comme beaucoup plus tolérables. Pour bien comprendre ce dont il est question ici, on peut remonter au 10 octobre 2022. Ce jour-là, la députée macroniste Yaël Braun-Pivet, présidente de l'Assemblée nationale et quatrième plus important personnage de l'État français, avait confectionné un tweet condamnant les exactions de l'armée russe en Ukraine, dans lequel elle écrivait avec beaucoup de justesse que, "bombarder aveuglément des femmes, des hommes et des enfants innocents, c'est un crime de guerre". Elle avait ajouté "Justice doit être rendue au peuple ukrainien, nous veillerons à ce qu'elle le soit". C'était clair, net, précis et, répétons-le, tout à fait juste. Mais 12 mois plus tard, le ton a changé, du tout au tout. Le 22 octobre dernier, un an jour pour jour après avoir publié son tweet dénonçant les crimes de guerre russes et demandant que leurs auteurs soient jugés, Yaël Braun-Pivet était en effet en Israël pour redire au nom de la France son "soutien inconditionnel" à ce pays dont l'armée, à ce moment-là, bombardait Gaza depuis plusieurs semaines et tuait des milliers de civils palestiniens, des enfants notamment, mais aussi des hommes et des femmes dont le seul crime était de se trouver là, enfermés dans un minuscule territoire soumis à un blocus. Nouvel épisode de Quelle époque formidable, par Sébastien Fontenelle.
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Morgane Sabouret