« Sans la vidéo, Nahel n’aurait été qu’une statistique. » C’est une phrase qui a été beaucoup entendue après la mort de Nahel, 17 ans, tué par un policier à Nanterre le 27 juin 2023. La scène filmée par une passante et publiée sur les réseaux sociaux a été vue des millions de fois. Sa publication a remis en question la version officielle de la police qui expliquait que Nahel avait mis en danger le policier en refusant d’obtempérer et en lui fonçant dessus avec sa voiture. Dès lors, de nombreuses questions se posent : Aurait-on autant parlé de sa mort si cette vidéo n’avait pas existé ? Aurait-il été possible d’établir ce qu’il s’est réellement passé ? Combien de Nahel n’ont pas été filmés ? Et à l’inverse, combien de vidéos similaires ont été en partie à l’origine de mouvements d’ampleur ? Durant les 20 dernières années, les vidéos partagées sur internet ont explosé et pris une place centrale dans les luttes sociales et politiques. Les téléphones portables sont devenus une nouvelle arme pour se défendre ou documenter le réel en même temps les caméras de surveillance se multiplient partout dans le monde. Nous assistons donc à un double mouvement, d’un côté le contrôle social par la vidéo s'accentue et de l’autre filmer est devenu un moyen de se réapproprier l’image et de mobiliser. Aujourd’hui il n’existe plus de mouvement social ou politique qui ne soit pas filmé à l’image du mouvement des gilets jaunes ou encore des manifestations qui ont éclaté en Iran en septembre 2022. Mais à quoi servent ces images exactement ? Ont-elles des effets concrets ? À quelles conditions peuvent-elles devenir des outils de contestations efficaces ? Réponses dans cet entretien de Paloma Moritz avec Ulrike Lune Riboni, chercheuse sur la place des images numériques dans les mobilisations collectives et autrice du livre Vidéactivismes, contestation audiovisuelle et politisation des images.
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Blast, le souffle de l’info