En 45 ans, notre rapport à l’information a explosé. La fibre, les réseaux, les puces, les écrans amènent des stimuli à nos cerveaux, sans que nous puissions tout maitriser. Dans cet édito renversant, Denis Robert, à partir d’exemples mêlant géopolitique et affaires plus locales ou anciennes, explique comment le pouvoir se joue et des guerres se gagnent ou se perdent sur les champs de batailles, mais aussi et surtout dans le cyberespace. Le but et de contrôler et d’exercer une influence sur l’information en inventant un monde parallèle. A la suite d’un documentaire diffusé récemment sur France 5 (« Russie, un peuple qui marche au pas »), il décline la proposition d’une psychologue selon laquelle le peuple russe souffrirait d’une « psychose de masse induite » à d’autres pays en particulier la France. « Quand votre vie n’a plus de sens, quand vous n’avez plus confiance en vous et au monde qui vous entoure, il suffit qu’un homme vous redonne une raison d’être, vous renvoie un minimum de fierté, qu’il vous mette dans la tête que vous n’êtes ni nul, ni bête, ni dégueulasse, vous devenez alors la particule élémentaire d’un ensemble plus grand et par une sorte d’effet vital, à force de l’entendre et de le voir sur vos écrans, vous vous mettez à aimer cette grande nation, son ou ses dirigeants. Et tous ceux qui disent le contraire passe pour des ennemis, des dégénérés. Ou des islamo gauchistes. Vous vous mettez à croire à quelque chose qui est le parfait inverse de la réalité. » écrit Denis Robert qui quitte Moscou pour Gaza ou Paris où les truqueurs d’infos et les grands malades sont légion. La contagion est produite et légitimée par le pouvoir et les médias. Le délire devient collectif et imprègne les discours dominants. On le voit en Russie, on l’a vu aussi en Chine et en Europe au moment du Covid. On l’a vu aux USA, principalement quand Donald Trump, bien aidé par Qanon, s’accrochait au pouvoir. On le voit à Paris quand le pouvoir et les médias inventent une affaire d’antisémitisme à Science po. « Les idées délirantes ou paranoïaques infusent en s’attaquant d’abord aux plus fragiles, aux moins informés. Puis elle gagne en puissance, en raffinement, en efficacité. A travers les réseaux, le virus de la peur et des solutions faciles se propage à grande vitesse. La science a étudié ces phénomènes. Des conditions sont nécessaires pour qu’advienne cette psychose de masse. ( …) Lorsque ces conditions préalables – pauvreté, anxiété, isolement - sont présentes au sein d’une population, si les médias fournissent un récit qui indique un objet dangereux pour cible, qui permet à l’anxiété de se focaliser, alors toutes les anxiétés vont s’y accrocher. Si on propose, en même temps, une stratégie pour lutter contre ce danger, la foule suivra la stratégie pour combattre cet objet d’anxiété. C’est ainsi qu’on invente des grands remplacements, puis des France aux français.» poursuit l’éditorialiste de Blast qui place cet édito sous l’ombre tutélaire d’Alexeï Navalny. La contamination gagne jusqu’au plus haut niveau de l’État. Un président puis son premier ministre – on se demande qui et comment ils sont informés- vont sauter sur Sciences po pour dénoncer l’acte antisémite. Alors qu’il n’était pas antisémite. L’inversion du réel, on y est en plein. Les gens intoxiqués, souffrant de cette psychose de masse, deviennent intolérants à l’égard des voix dissidentes qui menacent de rompre l’équilibre fragile qui s’est construit et qui se solidifie avec le temps. Les faits ne comptent plus pour les personnes dans cet état. D’où l’importance des journalistes et la nécessité de les voir retrouver de l’indépendance et de la crédibilité. D’où Blast. Merci de nous suivre et de partager. »
Crédits photo/illustration en haut de page :
Morgane Sabouret