C’est le moyen préféré du gouvernement pour faire des économies : réduire l’accès à l’allocation chômage ainsi que son montant. Alors après une première réforme de l’assurance chômage en 2017 et une deuxième en 2019, Gabriel Attal vient d’en annoncer une troisième. Pourtant, les effets dévastateurs des deux premières réformes commencent à être mesurés. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a notamment démontré que depuis leur mise en place, les dernières réformes ont diminué la sécurité de l'emploi et les contrats précaires se sont multipliés, le tout pour une efficacité dans l’incitation à l’emploi plus que limitée. L’observatoire conclut dans une étude dédiée : « l’expérience montre que jamais un système de protection sociale n’a été redressé de cette manière et n’a suscité autant de doutes sur son efficacité. Aucune théorie ne suggère qu’abonder la politique de redistribution en lieu et place de l’assurance chômage sécurise mieux les actifs et bénéficie au fonctionnement du marché du travail.(...) la réforme des règles a créé plus de problèmes qu’elle n’en a résolu si bien qu’une sérieuse remise à plat apparaît plus urgente que jamais. » Pour ce qui est de la réforme de 2019, la DARES (qui dépend du ministère du travail) a produit un rapport pour en évaluer les conséquences. Les ouvertures de droit ont chuté de 17 %. Et les premiers touchés sont les jeunes et les précaires. Le tout avec des allocations amaigries, 26 % des allocataires qui ont ouvert un droit selon la nouvelle loi ont perçu une allocation de plus de 10 % inférieure à celle qu’ils auraient touchée selon les anciennes règles. Résultat, parmi ceux qui avaient déjà du mal à trouver un emploi, la détresse a augmenté. Et la situation ne risque pas de s’arranger avec cette troisième réforme en six ans ! Dès l’automne 2023, deux services du ministère du travail (chargés d’évaluer les idées du président) ont expliqué à l’Élysée que cette réforme serait une mauvaise idée, comme l’a révélé Médiapart qui s’est procuré ce document interne ! La DARES et la DGEFP ont assuré qu’un raccourcissement de la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi serait « peu opportun ». La réforme que souhaite Emmanuel Macron a même été chiffrée par la DARES, sur demande du ministère du travail. Selon les calculs, cette nouvelle baisse de durée d’indemnisation précipitera « la fin de droits de 400 000 allocataires supplémentaires sur une année, conduisant ainsi à 100 000 bascules supplémentaires au RSA ou à l’ASS ». Bref, quasiment personne parmi ceux qui travaillent sur cette thématique ne juge que c’est une bonne idée. Ni les syndicats, ni les experts, ni même l’administration du gouvernement. Alors pour justifier une telle casse du système social, ce sont les mêmes idées infondées sur lesquelles le gouvernement continue à s’appuyer : pour trouver un travail, il suffirait de traverser la rue, et ceux qui ne travaillent pas ne le veulent pas vraiment. Des clichés infondés économiquement et socialement, comme ne cessent de le rappeler des grands noms de l’économie à l’instar d’Esther Duflo. Alors dans quel contexte idéologique cette nouvelle réforme de l’assurance chômage s’inscrit elle, qu’est ce qui va changer, comment cela va t il impacter la vie des plus précaires, et surtout pourquoi le gouvernement persiste t il dans des réformes que même sa propre administration ne soutient plus ? Réponse avec Salomé Saqué dans cette nouvelle émission économique pour Blast.
Crédits photo/illustration en haut de page :
Morgane Sabouret / Diane Lataste