"Le 21 mars 2023, Emmanuel Macron, chef de l’État français, a tranquillement déclaré, devant les parlementaires de son parti réunis (à nos frais) à l’Élysée, que « la foule » qui manifeste contre sa réforme des retraites n'a « pas de légitimité face au peuple qui s'exprime à travers ses élus ». Répétons-le calmement, et distinctement : Emmanuel Macron ne peut se prévaloir d’aucune légitimité populaire lorsqu’il prétend que les manifestants qui protestent contre sa politique ne sont pas légitimes. Mais cette affirmation lui est très utile, parce qu’elle permet de justifier la répression qu’il déchaîne contre les impertinents qui ont l’effronterie de protester contre ses diktats. Car en effet : s’il reconnaissait que ces manifestations sont parfaitement légitimes, Macron pourrait difficilement assumer cette violence. Tandis qu’à partir du moment où il dénie toute légitimité aux manifestants, il devient beaucoup plus facile de les molester. Au moment où j’écris cette chronique, deux de ces manifestants sont toujours dans le coma, entre la vie et la mort. Comble d’abjection : selon un enregistrement obtenu par Le Monde, « les forces de l’ordre » ont empêché l’intervention du SAMU, qui aurait pu prendre en charge ces blessés et les évacuer par hélicoptère. La famille d’un manifestant atteint à la tête par une grenade explosive et dont le pronostic vital est toujours engagé a porté plainte pour « tentative de meurtre » et « entrave aux secours ». Emmanuel Macron, trop occupé peut-être à trier le bon peuple de la méchante foule, n’a pas eu le moindre mot de compassion pour cette victime, parmi tant d’autres, du déchaînement de violence policière qui s’abat désormais sur quiconque ose protester contre sa politique. Mais il est vrai aussi que lorsqu’un chef d’État a perdu toute légitimité aux yeux de l’immense majorité de ses administrés : il ne lui reste plus guère que la force, pour espérer tenir." Nouvel épisode de Quelle époque formidable, la chronique politique de Sebastien Fontenelle, à retrouver tous les jeudis sur Blast.
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