Le sujet est casse gueule. L’autre jour, je prends le train pour Paris. Au départ à Metz, un cheminot cégétiste me dit : « J’espère que vous allez arrêter de faire la propagande d’Israël, ce sont eux les oppresseurs ». Lui n’avait pas encore été arrêté par la police à 6 h du matin pour incitation au terrorisme. A l’arrivée à Paris, un jeune homme énervé, les yeux cernés, se pointe devant moi et m’agresse : « C’est vous Blast. Ce que vous faites est dégueulasse. Il faudrait mettre un drapeau israélien sur tous vos programmes. Rien de pire ne nous est arrivé depuis la Shoah » : ainsi démarre l’édito de Denis Robert qui reconnait que ce dernier est sans doute le plus difficile qu’il ait eu à écrire tant le sujet est douloureux et divise les partisans des deux camps. Il tente de réhabiliter et de remettre au centre du jeu le journalisme et les reporters et les médias libres et indépendants. Il nous propose donc un édito casqué « pour éviter les coups » écrit-il, avant de s’intéresser aux images et aux commentaires qui remontent de Gaza. Pour qui les as vues une fois, les images de cadavres reviennent en boucle. Celles des hommes, des femmes, des bébés, des chiens, celles des blocs soufflés par les missiles, les sanglots lents des familles israéliennes, les cris des Palestiniens transportant des enfants enveloppés dans des draps. Sauf que ce ne sont que des images, des vidéos, des impressions. Et les guerres se jouent sur ce trafic où des guetteurs doivent nous montrer des chemins. Les guerres d’aujourd’hui sont d’abord des guerres d’informations. L’Ukraine nous avait préparé au pire. On y est. La comptabilité macabre des morts est le sujet de cette guerre naissante qui attaque sa troisième semaine. Sur les réseaux et dans les médias occidentaux en particulier français, les victimes israéliennes ont des visages, des histoires, des sourires, des sourires figés. On les voit, on les sent. On nous montre du bonheur qui s’échappe. Ces morts nous renvoient à l’holocauste. « Rien de pire nous est arrivé depuis la Shoah » : C’est le message qu’on reçoit à jet continu d’Israël. Les morts palestiniens n’ont pas d’images, pas de story. Ce sont des fantômes. On les discerne sous des draps gris, portés par des types en larmes. Est-on sûr qu’un cadavre est sous ces draps ? Est-on sûr qu’un fœtus a été arraché du ventre de sa mère ? Est-on sûr que des bébés et des enfants ont été brulés dans certains kibboutz ? Est-on sûr que le djihad islamique a envoyé une roquette sur le parking de l’hôpital de Gaza ? On avance avec lui dans une nuit emplie d’orages. De menteurs, de tueurs, de tricheurs. Et les plus emmerdants, ce sont les types sûrs d’eux qui commencent leurs phrases par « Laisse- moi vous dire une chose… » On en croise beaucoup sur les plateaux télé en France…
Crédits photo/illustration en haut de page :
Morgane Sabouret