Le pendule de Newton est un objet de décoration intérieure composé de cinq billes métalliques de même masse suspendues par deux fils à deux barres rigides. Lorsqu’on lance une bille d’un côté du pendule, de l’autre, une autre bille se met en mouvement. Lorsqu’on en lance deux, deux billes se mettent en mouvement. Son fonctionnement est fondé sur le principe des actions réciproques et de la conservation de la quantité de mouvement et d’énergie C’est une bonne image de l’humanité, tiraillée entre sa volonté d’obéir à la Loi et son désir de transgression. C’est la fausse alternative entre le Démiurge et le Diable chez les gnostiques. D’un côté, les humains obéissent aux prêtres, aux chefs d’état, aux juges, aux policiers, aux professeurs, à leurs parents. De l’autre, ils sont séduits par des gangsters, des dealers, des arnaqueurs, des chefs de bande et des pervers. Ils ont d’une part des règles de vie imposées d’en haut, et ces règles de vie engendrent de la tristesse, parce qu’elles font d’eux des bons élèves, des citoyens responsables, des enfants soumis. D’en part, on leur propose des licences et on leur suggère des intensités. Et ces intensités créent de l’accoutumance, de la dépendance et du besoin. À leur tour, elles engendrent de la tristesse parce qu’elles font des êtres humains soit des victimes, soit des bourreaux, responsables du malheur d’autres victimes. Un poème gnostique du IIe siècle disait déjà tout ça : « L’âme souffre, jouet et esclave de la mort « Tantôt, investie de la royauté, elle jouit de la lumière « Tantôt, précipitée dans le malheur, elle pleure « Tantôt elle se réjouit et tantôt elle pleure « Tantôt elle pleure et tantôt elle est jugée « Tantôt elle est jugée et tantôt elle meurt « Tantôt, enfin, elle ne trouve plus d’issue, « me infortunée, ses courses errantes l’ont amenée dans un labyrinthe de malheurs » Le pendule de Newton est également une assez bonne image des relations entre le capitalisme, le terrorisme et la police. Lorsqu’on lance une action terroriste d’un côté, de l’autre une action policière se met en mouvement. Le tout permet de conserver la quantité de mouvement et d’énergie nécessaire à la survie du capitalisme. Sur le terrorisme, on n’a jamais fait mieux que Rainer Werner Fassbinder ouvrant son film La Troisième génération dans le brouillard sonore de bandes audio superposées, avec un commissaire de police disant à un magnat de l’industrie : « J’ai fait un rêve récemment. Le capitalisme avait inventé le terrorisme pour contraindre l’État à mieux le protéger. Très drôle, non ? » Oui, c’est très drôle. Parce que, même si nous la vivons dramatiquement, il ne faut jamais perdre de vue que la vie, toute cette vie, est une comédie. Mais c’est aussi un rêve, dont on doit se réveiller. Bienvenue dans La Fin du Film, épisode 7 : La Troisième génération de Rainer Werner Fassbinder. Les films nous regardent pour que nous commencions à vivre.
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