Notre histoire commence pendant le petit âge glaciaire. Une période de rigueur hivernale intense en Europe qui a commencé à la fin du XIIIᵉ siècle et va durer jusqu'au milieu du 19ᵉ. Nous sommes en 1565 et Brueghel L'ancien peint Les chasseurs dans la neige. Il mourra quatre ans plus tard, alors qu'il n'a pas 45 ans. Il sera enseveli dans l'église Notre Dame de la Chapelle à Bruxelles. Le tableau de Bruegel est porteur de quelque chose d'autre. C'est l'appel constant, bien connu, qui se mêle à la nostalgie du lieu que l'on a quitté et que l'on veut retrouver. Le contraste entre le besoin de chercher et le désir de se retrouver et l'oscillation pendulaire des êtres humains entre ces deux tendances, l'inconnu familier, une contradiction, une tension qu'ils tentent de concilier dans le cours de leur vie. On retrouvera le tableau de Brueghel, Les chasseurs dans la neige, dans le chef d'œuvre de science-fiction du cinéaste russe Andreï Tarkovski : Solaris. Science-fiction ? Ce n'est pas évident. Moins qu'aucun cinéaste Andreï Tarkovski ne se laisse enfermer dans une catégorie et plus qu'aucun film, Solaris nous renvoie à l'impossibilité de définir par une terminologie préexistante ce que cherche à nous montrer un artiste. C'est un homme à la recherche de l'inconnu, d'une image future pas encore apparue, mais qui sait que nous ne pouvons sensiblement appréhender que ce qui nous est, d'une façon ou d'une autre, déjà familier. C'est un homme à la recherche des temps futurs, comme un chasseur dans la neige, mais qui est lui même rempli de nostalgie, dévorée par la douleur, la honte et le désir de rentrer chez lui. Bienvenue dans La fin du film, épisode douze : Solaris, d'Andreï Tarkovski. La science-fiction n'existe pas encore.
Crédits photo/illustration en haut de page :
Morgane Sabouret