Depuis quelques jours, le documentaire de Gilles Perret cartonne au cinéma. Le cinéaste savoyard - après avoir traité de la Sécurité sociale, du conseil national de la résistance, et s'être essayé à la fiction - a planté sa caméra à quelques mètres de chez lui à Quincy, petit village de Haute-Savoie, pour y filmer au fil des saisons la ferme de ses voisins : les Bertrand. Le film est construit sur le mélange de trois époques. Il démarre quand trois frères héritent de la ferme paternelle. Il se poursuit en 1997 quand les trois frères cèdent leur centaine d'hectares et leur troupeau de vaches laitières à leurs neveux. Il s'achève de nos jours quand la mère d'un des neveux prend sa retraite et quand arrive à la ferme un robot qui trait et nourrit les vaches. La magie du film tient à ce fil ténu qui traverse le temps et les générations. Un amour de la terre et de la montagne habite chaque personnage. Comment l'innovation technologique et les quotas laitiers ont pu sauver la ferme des Bertrand ? Comment transmettre son savoir avec générosité ? Comment ne pas tomber dans l'abus de production et trouver le juste équilibre pour nourrir le mieux possible son bétail et ses proches ? Le film, sans jamais être partisan ou démonstratif, répond à ces questions et donne un éclairage doux et lumineux sur la crise agricole. Son réalisateur, ami de Blast, revient dans nos studios pour témoigner de son travail et donner quelques idées qui vont à contre courant de l'appel à la dérégulation tous azimuts. Ce n'est pas en produisant plus et en restreignant les règles qu'on avancera en ce bas monde. Les Bertrand, grâce au prix du lait âprement négocié à la hausse (pour fabriquer le Reblochon) ont pu gagner la partie. Une norme contraignante, l'AOP (Appellation d'origine protégée) les a sauvés. Le contraire de ce que déblatèrent syndicalistes paysans majoritaires et journalistes des chaînes tout info. Heureusement qu'il y a Blast, Gilles Perret et la ferme des Bertrand pour remettre le réel au milieu du village.
Crédits photo/illustration en haut de page :
Morgane Sabouret